Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction
Travail originalFertilité après grossesse extra-utérineFertility after ectopic pregnancy
Introduction
La grossesse extra-utérine (GEU) survient dans 1 à 2 % des grossesses [1]. Cette pathologie peut être, soit un échec de contraception, soit un échec de reproduction. Dans cette dernière situation, la GEU peut être attribuée dans 75 % des cas, soit au tabac, soit à des antécédents infectieux ou chirurgicaux avec altération tubaire [2], [3]. Au xxie siècle, le problème n’est plus au diagnostic de la GEU qui est fait précocement dans 95 % des cas avant mise en jeu du pronostic vital et qui permet de définir la stratégie thérapeutique en dehors de l’urgence. Cependant, malgré ces progrès diagnostiques, la GEU est responsable de 3,5 % des décès maternels entre 2001 et 2006 en France (soit 16 décès sur 462 décès maternels) (Source CNEMM, Inserm U953 et CépiDc).
La précocité diagnostique a permis de développer les stratégies thérapeutiques en limitant, en France, le taux de laparotomie à 10 %, en développant les traitements cœlioscopiques (65 %) et médicaux essentiellement représentés par le méthotrexate (MTX) (25 %). Si le traitement radical est associé à pratiquement 100 % de succès, les traitements conservateurs, qu’ils soient médicaux ou chirurgicaux, ont un taux de succès de 70 à 90 % selon les études, avec un taux de succès plus important pour le traitement chirurgical conservateur [4].
La problématique pour juger de l’efficacité de ces traitements n’est plus au succès mais à la fertilité qui est la principale préoccupation de ces patientes, lorsque le pronostic vital n’est plus en jeu. C’est la raison pour laquelle cette fertilité ne peut être étudiée que dans le sous-groupe des patientes présentant une GEU dans un contexte d’échec de reproduction.
Il faut analyser les résultats des essais thérapeutiques randomisés entre traitement médical et traitement chirurgical conservateur, d’une part, et entre traitement chirurgical radical et conservateur, d’autre part, pour évaluer la fertilité ultérieure. Cependant, de tels essais sont actuellement en cours au nombre de trois mais leurs résultats ne sont pas encore disponibles.
Le premier est l’étude DEMETER, réalisée en France et dont l’inclusion est terminée depuis mars 2009. Cet essai qui possède deux bras a pour but de comparer la fertilité après traitement médical versus après traitement cœlioscopique conservateur associé à une injection de MTX dans un bras et après traitement cœlioscopique conservateur associé à une injection de MTX systématique versus après traitement radical dans l’autre bras.
Le deuxième essai en cours de réalisation en Hollande et en Scandinavie compare le traitement cœlioscopique conservateur au traitement radical. Cet essai a débuté en 2005 [5].
Le troisième essai, réalisé aux Pays-Bas, compare le traitement médical par MTX à l’abstention thérapeutique [6].
Ces trois essais devraient permettre, si leur puissance est suffisante, de revoir les indications des différentes thérapeutiques en prenant en compte les résultats sur la fertilité ultérieure. À défaut des résultats de ces essais qui ne seront probablement pas disponibles avant 2011, l’analyse de la littérature permet de premières conclusions à partir des études de cohorte.
Le but de cet article est de présenter les données actuellement disponibles sur la fertilité après GEU dans le but de clarifier la place des différentes thérapeutiques grâce à une analyse rétrospective de la littérature.
Section snippets
Cœlioscopie versus laparotomie
Deux études prospectives randomisées [7], [8] comparant laparotomie et cœlioscopie sont, bien qu’anciennes, méthodologiquement intéressantes et doivent être retenues (Fig. 1).
Aucune différence significative n’a été retrouvée entre les deux voies d’abord pour la fertilité ultérieure (OR = 1,2 ; 95 % IC 0,59–2,5). En revanche, le traitement cœlioscopique était associé à un taux de succès moindre dans les deux études (OR = 0,28 ; 95 % IC 0,09–0,86). Cependant, la cœlioscopie, compte tenu de son
Salpingotomie versus salpingectomie par voie cœlioscopique
Les études de cohorte actuellement publiées retrouvent un taux équivalent de grossesses après traitement conservateur ou radical. Dans la revue de la littérature de Yao et Tulandi, sur un total de 2635 GEU correspondant à neuf études, le taux de grossesses intra-utérines (GIU) est de 53 % après traitement conservateur et de 49,3 % après traitement radical [9].
L’état de la trompe controlatérale est un facteur pronostique important. En effet, si celle-ci est saine, le taux de GIU sera identique
Salpingotomie versus salpingotomie avec suture tubaire
Deux études sont actuellement disponibles pour la comparaison de ces deux techniques [20], [21]. Elles concernent 109 patientes présentant une GEU ampullaire non rompue et ne mettent pas en évidence de différence significative, que ce soit en termes de succès des traitements, de fertilité ultérieure (taux de GIU) (OR = 1,1 ; IC 95 % 0,44–2,6) ou de récidive de GEU (OR = 1,2 ; IC 95 % 0,38–3,8).
Salpingotomie versus salpingotomie associée à une injection postopératoire systématique de méthotrexate
Les résultats publiés par la Cochrane en 2009 concernent deux études [22], [23] regroupant 163 patientes traitées pour une GEU tubaire. La salpingotomie était moins efficace isolément que lorsqu’elle était associée à une injection unique de MTX en intramusculaire à la dose 1 mg/kg dans les 24 heures suivant l’intervention (OR = 0,25 ; IC 95 % 0,08–0,76). Ces résultats ont été confirmés par l’essai randomisé de Akira et al. [24] mettant en évidence 17,5 % (sept sur 41 patientes) d’échec versus 0 %
Traitement médical versus traitement cœlioscopique conservateur
En 2009, Varma et Gupta [25] ont publié une revue de la littérature comparant le traitement par une dose unique de MTX à la salpingotomie cœlioscopique. Sur une série de quatre études concernant 265 patientes, l’injection systémique de 1 mg/kg de MTX était significativement moins efficace que la salpingotomie par voie cœlioscopique en termes de succès immédiat (OR = 3,3 ; IC 95 % 1,7–6,7). Cependant, aucune différence significative n’a été mise en évidence, que ce soit pour le taux de GIU (OR =
Méthotrexate et injection directe intrasacculaire par voie vaginale ou cœlioscopique
Fernandez et al. [27], dans un essai thérapeutique comparant l’injection locale de MTX par voie vaginale (n = 51 patientes) et la salpingotomie par voie cœlioscopique (n = 49 patientes) a retrouvé une fertilité significativement supérieure dans le groupe traité médicalement (96,3 % versus 62 % ; p < 0,05). Cependant, cette étude manque de puissance pour être définitivement déterminante. Zilber et al. [28] ont étudié la fertilité chez 34 patientes après injection, lors de la cœlioscopie, de MTX comme
Grossesses extra-utérines et expectatives
Une étude rétrospective de Helmy et al., en 2007 [29], analysant 444 patientes avec GEU traitées pour 134 par expectative et pour 310 par chirurgie, a mis en évidence un taux de GIU supérieur après expectative et un risque moindre de récidive de GEU. Cependant, les critères respectifs entre choix du traitement chirurgical ou de l’expectative ne sont pas strictement précisés, même si l’on devine que l’expectative était proposée en cas de GEU paucisymptomatique. Le Tableau 1 présente les
Conclusion
Le problème principal de la littérature est la qualité des études. En effet, elles prennent rarement en compte le délai entre GEU et le début de la recherche d’une grossesse, si les femmes cherchent réellement à devenir enceintes et il arrive même que plusieurs grossesses par femme soient analysées, ce qui est faux méthodologiquement.
Cependant, le traitement conservateur par cœlioscopie est actuellement la technique la mieux étudiée, aussi bien pour le succès immédiat que pour la fertilité
Conflit d’intérêt
Le Pr Hervé Fernandez, soussigné, déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts ainsi que l’ensemble des auteurs, concernant les données publiées dans l’article « Fertilité après grossesse extra-utérine » à publier dans le Journal de gynécologie obstétrique et biologie de la reproduction.
Références (34)
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Improved fertility following ectopic pregnancy
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Fertility after ectopic pregnancy
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Fertility following radical, conservative-surgical or medical treatment for tubal pregnancy: a population-based study
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Cited by (16)
Fertility after ectopic pregnancy in a district hospital in Cameroon
2015, International Journal of Gynecology and ObstetricsCitation Excerpt :The present rate is also lower than those found in high-income countries, where percentages of 10.5% [4], 13% [3], and 16% [5] have been reported. Because conservative treatment has been associated with increased risk of recurrence [5,11], the low recurrence of EP observed in the present study might be explained by the fact that most of the patients (89%) had radical surgical treatment. However, the relatively short follow-up period is a weakness of the present findings, because EP occurs mostly in women of low fertility.
Fertility after tubal ectopic pregnancy: Results of a population-based study
2012, Fertility and SterilityRisk factors for recurrence of ectopic pregnancy
2012, Journal de Gynecologie Obstetrique et Biologie de la ReproductionEndoscopic management of ectopic pregnancy
2011, Gynecologie Obstetrique et FertiliteThe Impact of Different Management Options of Ectopic Pregnancy on Future Fertility
2023, Eastern Journal of MedicineDiagnostic and Therapeutic Management of Ectopic Pregnancies
2022, Current Women's Health Reviews